Pourquoi nous soutenons le projet TIRIS
À moins d’une semaine de l’échéance de l’appel à projets « ExcellencES » du PIA4, la situation du site toulousain et de sa région n’a jamais été aussi confuse. Les circonstances, rappelées dans annexe 1 ci-dessous, ont conduit à l’émergence récente d’un projet concurrent au projet TIRIS construit par les acteurs du site depuis de nombreux mois. Le président de l’Université Paul Sabatier, porteur de ce projet nommé TTU, n’a cependant pas encore indiqué clairement ce qu’il allait mettre au vote de son Conseil d’Administration le 27 janvier prochain. Pour le collectif Ensemble, il serait littéralement suicidaire pour le site de soumettre deux projets au jury international, et nous exposons ici les raisons de notre choix assumé de soutenir le seul projet TIRIS face au projet TTU. Notre association a en effet toujours travaillé et continue à travailler pour l’avenir commun de la grande Université de Toulouse et de sa région, dans un souci de démocratie, de transparence et d’excellence : excellence reconnue de nos chercheurs et laboratoires, nombre d’entre eux faisant partie des meilleurs mondiaux, excellence de nos formations dont les diplômés connaissent de remarquables taux d’insertion professionnelle. Notre communauté participe activement au développement économique, social et intellectuel de notre région et la fait rayonner en France et dans le Monde. L’Université est attendue : alors que nous sommes confrontés à des défis immenses comme le changement climatique ou la transformation numérique, nous devons renforcer notre contribution au développement des savoirs, dans tous les domaines scientifiques, et les partager le plus largement pour former les acteurs des grandes transitions. Nos étudiant.e.s, tout particulièrement, sont de plus en plus soucieux de pouvoir contribuer à relever ces grands défis. L’excellence doit impérativement prendre en compte cette nouvelle dimension.
Pour répondre à ces besoins, nous sommes convaincus que nous devons dépasser les frontières de nos établissements. Depuis dix ans, nous avons porté des positions qui sont toutes allées dans le sens d’un accroissement de la politique de site, en restant vigilants sur le respect des valeurs fondamentales de l’université, la collégialité et la démocratie. Cela a porté ses fruits pour partie, mais nous devons aujourd’hui aller plus loin en matière de structuration du site. Certes, nous faisons partie des rares sites français à avoir une véritable politique commune, mais il est temps de franchir un cap supplémentaire pour donner une véritable identité commune à l’université de Toulouse et porter des projets ambitieux en commun, tournés vers les problématiques d’avenir décrites ci-dessus.
Le projet TIRIS a été construit dans cet état d’esprit, de manière collégiale, par l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur du site toulousain, avec le soutien actif de la Région Occitanie et de Toulouse Métropole. Il s’inscrit dans une double volonté : obtenir le statut de Grande université de recherche, que notre site se doit d’obtenir étant donné l’excellence de la recherche et de la formation qui y sont effectuées, et obtenir des financements dans le nouveau cadre du PIA4, avec son volet « Excellences sous toutes ses formes “.
Ce nouvel appel à projet n’est pas une réédition des appels IDEX. Il élargit considérablement les critères d’évaluation de l’intérêt des projets, et le jury international n’est plus le même. Le projet TIRIS a été construit pour y répondre. Pour cela, il faut que notre site démontre qu’il est capable d’évoluer et de partager plus encore ses stratégies de recherche et de formation, sa politique internationale, ses capacités de gestion, en s’appuyant sur son potentiel humain remarquable. Cela nous permettra d’obtenir le statut de Grande université de recherche (voir annexe 2), indispensable pour éviter le risque de décrochage auquel nous sommes aujourd’hui confrontés et d’être reconnus parmi les meilleures universités de rang mondial.La qualité actuelle de nos recherches et de nos formations nous le permet, et la synergie qui s’amorce au travers du projet TIRIS ne pourra que l’amplifier. Le projet scientifique construit depuis de nombreux mois pour être adossé à TIRIS est ainsi unanimement reconnu comme solide. Les volets institutionnels différencient les deux projets, de par la philosophie qui leur est sous-jacente.
En effet, le projet TIRIS, issu d’une concertation à l’échelle du site, propose la création d’une COMUE expérimentale dont les instances de gouvernance respectent les valeurs de démocratie, de collégialité et d’inclusion de toutes les sensibilités disciplinaires et scientifiques. Son Conseil d’Administration restera composé d’une majorité de personnels et d’étudiants élu.e.s, représentatifs de note diversité, qui est une force. Le projet TTU promeut lui une gouvernance resserrée, dite « agile », limitée à un petit groupe d’individus, s’appuyant sur un conseil d’administration dépourvu d’étudiant.e.s ou de personnels BIATSS, composé en majorité de personnalités extérieures et se réunissant deux fois par an à Paris, sur le modèle des conseils de surveillance des grandes entreprises. Il est frappant que rien ne soit dit sur les modalités de désignation de ce conseil central, ni sur le type de personnalités censées le composer : représentants de ministères, d’entreprises, personnalités choisies ? Tout est imaginable, ce qui rend peu crédible la proposition. De plus, ce projet ne constitue en rien une étape vers une intégration plus forte : c’est surtout la désintégration de l’UT3 en cinq parties qui apparaît, avec un très grand déséquilibre dans la représentation des composantes. Ainsi, la Faculté des Sciences et Ingénierie n’aurait que 4 représentants au Sénat Académique, comme la F2SMH ou TSE, alors que le spectre disciplinaire et le nombre d’enseignements-chercheurs y sont incomparablement plus grands. Le modèle institutionnel serait celui d’un établissement expérimental (EPE), appelé à devenir à terme un Grand établissement. Ce statut permettrait de déroger au code de l’éducation, c’est-à-dire au droit commun des universités françaises, sans les garde-fous auxquels nous sommes attachés. Notamment, il autoriserait d’augmenter les frais d’inscription des étudiant.e.s. TTU, de fait très centré sur l’économie, se propose aussi de ne labelliser qu’une fraction des formations, dites « étoilées », qui bénéficieront prioritairement des financements du PIA4. Il accepte également l’idée de sursalaires conséquents, pour les chercheurs « excellents ». De plus, la très grande majorité de ses personnels et toute son administration proviendraient de l’UT3. Insistons sur le fait que le projet TTU ne concernerait que l’université UT3 et TSE, peut-être l’ISAE-Supaéro, les autres établissements toulousains en étant complètement exclus de fait. Nous, collectif Ensemble, ne pouvons accepter cela.
Le projet TTU ne constitue en rien une meilleure chance de succès au PIA4, bien au contraire : il n’est pas plus intégratif, il est étroit dans son périmètre, et il repose sur le soutien d’une composante, TSE, dont l’université Toulouse Capitole au travers de son CA a voté à une très large majorité pour refuser qu’elle sorte de l’université. Si c’était le projet TTU qui était déposé, nous irions donc vers un échec assuré devant le jury international.
Face à cette situation, il est donc important pour nous que toutes nos forces s’engagent dans la réalisation du volet institutionnel du projet TIRIS afin qu’il soit retenu et financé dans le cadre du PIA4. Nous souhaitons que l’ambition du projet TIRIS se renforce encore et nous y travaillerons. Il ne s’agit là que d’une première étape, l’objectif suivant étant de décrocher le statut de Grande université de recherche aux travers des six critères établis par l’État (voir annexe 2). Le site toulousain, qui est le second site universitaire français après Paris, de par sa place dans le dispositif de l’Enseignement supérieur français, l’excellence de ces recherches et de ses formations et son impact sociétal, mérite vraiment ce label, label qui nous permettra d’avoir accès à des financements spécifiques d’envergure, indispensables aujourd’hui pour que Toulouse et sa région restent compétitifs au niveau international.
Annexe 1 : Chronologie des faits et éléments de contexte
– En 2011, le site ayant répondu au premier appel d’offre du Plan d’Investissement d’Avenir (PIA), obtient une labellisation au titre des Initiatives d’Excellence (IDEX). Rédigé sans concertation, cette IDEX suscite un rejet très large dans tous les établissements. La construction d’un fonctionnement acceptable gardant les ambitions du projet d’origine est donc lancée.
– En 2013, les membres du PRES élaborent le fonctionnement précis de l’IDEX, validé par le Premier Ministre qui signe la convention attributive de l’IDEX. En 2016, cette IDEX n’est pas pérennisée par l’État, à la suite d’une évaluation intermédiaire défavorable par le jury international. Le jury a en effet refusé de prendre en compte le nouveau programme validé par la convention attributive signée par le Premier Ministre. On parle de la « perte de l’IDEX ». Plusieurs tentatives de « reconquête » de l’IDEX échoueront à l’occasion des PIA2 et 3.
– Un nouvel appel d’offre est lancé à l’occasion du PIA4 à la fin 2020, bien plus ouvert dans les possibilités de structuration du site que le modèle IDEX du PIA1 : « À la différence des trois premiers programmes, le nouveau PIA4 fait le choix de l’agilité et de la simplicité. »[1] Plus précisément, nous parlons aujourd’hui de la seconde vague de l’appel d’offre « Excellences sous toute ses formes » du PIA4.[2] Un nouveau jury a été nommé pour cet appel à projets.
– Patrick Lévy est missionné en janvier 2021 par la Région Occitanie et Toulouse Métropole[3] à la suite d’un rapport écrit par Marion Guillou et Jean Tirole. Il lui est demandé de faire travailler l’ensemble des établissements du site toulousain à la rédaction d’un projet commun. Il met en place plusieurs groupes de travail inter-établissements.
– En été-automne 2021, tous les CA du site votent des Principes fondateurs, orientant clairement le projet vers une COMUE expérimentale plutôt que vers un EPE. Le projet TIRIS (Toulouse Initiative for Research Impact on Society) qui en découle inclut donc l’ensemble des forces du site en enseignement supérieur et recherche. UT3 en fait toujours partie à ce jour.
– Fin décembre 2021, un nouveau projet concurrent est rendu public. TTU (Toulouse Tech University) est porté par le président d’UT3, associé à TSE (Toulouse School of Economics, composante d’UT1). Il a le soutien de l’ISAE-Supaéro qui rejoindrait le projet s’il était financé. L’incompréhension des personnels d’UT3 et de leurs élu.e.s, ainsi que des partenaires institutionnels est « donc grande à la découverte d’une initiative isolée ».[4]
– Le 18 janvier 2022, le CA d’UT1 rejette largement la demande de sa composante TSE de rejoindre TTU, ce qui rend techniquement caduc le schéma de gouvernance de TTU (26 voix contre la sortie de la composante d’UT1, 2 pour, 4 refus de vote). – Le 1er février 2022 : dépôt de la candidature à l’appel d’offre.
[1] https://www.gouvernement.fr/4eme-programme-d-investissements-d-avenir-20-milliards-d-euros-pour-l-innovation-dont-plus-de-la
[2] https://anr.fr/fr/detail/call/excellences-sous-toutes-ses-formes-excellences-appel-a-projets-2021-vague-2/
[3] https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjanuj3z8X1AhXmyYUKHc3pCjwQFnoECBQQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.univ-toulouse.fr%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2F2021-02%2FCP_missionLevy_12janvier21_univ-toulouse.pdf&usg=AOvVaw177P7bDeX4jsQ-xEZYfrVl
[4] https://www.univ-toulouse.fr/actualites/communique-faisant-suite-annonce-du-projet-toulouse-tech-university
Annexe 2 : Les attributs requis pour devenir une Grande Université de Recherche
Stratégie de recherche et de formation partagée ;
– Signature scientifique unique ;
– Reconnaissance internationale par une prise en compte dans les classements internationaux ;
– Cohérence des politiques budgétaires avec la stratégie partagée ;
– Cohérence des politiques de recrutement des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs avec la stratégie partagée ; – Diplomation commune : le président de l’université cible signe les diplômes, notamment le doctorat